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L'autorité, pourquoi en vouloir plus ?

Nos sociétés ne cessent d’en appeler à un retour de l’autorité. Fondée sur la légitimité et l’adhésion, elle s’oppose en principe à la force et à l’autoritarisme. Mais dans des démocraties fragilisées, les frontières semblent poreuses et des glissements sont à l’œuvre.

 

New York, 2013 : des centaines de nouvelles recrues de la police new yorkaise reçoivent leurs diplômes ©Timothy Fadek/Corbis via Getty Images


Autant le dire d’emblée : l’autorité est une notion piégée, voire une énigme. Si les dictionnaires s’accordent à la définir comme la capacité ou l’art de se faire obéir sans en appeler à la force, ses déclinaisons ne sont pas toujours aussi amènes. Qu’est-ce qu’un « pouvoir autoritaire » sinon un gouvernement qui n’hésite pas à contraindre et réprimer ? Qu’est-ce qu’un « argument d’autorité », sinon une assertion arbitraire, sans logique ni preuve à l’appui ? Quelle différence y a-t-il entre « avoir de l’autorité » et « être autoritaire » ? Un père qui frappe ou punit ses enfants à la moindre peccadille fait-il montre d’autorité, ou bien au contraire de son absence ?

Querelles sémantiques


L’autorité entretient avec la liberté, l’égalité et la raison des rapports compliqués. Parce qu’elle est inégalement répartie, elle peut être vécue comme une condition nécessaire à la vie en société ou une entrave à la liberté de ceux qui la reconnaissent.


Elle est, pour les Romains, l’ auctoritas , ce qui va de soi depuis la fondation de la cité, et s’incarne dans les avis du Sénat. L’autorité n’est pas le pouvoir, mais c’est elle qui l’augmente et permet de l’exercer sans faire appel à la force, laquelle signe son échec. La philosophe Hannah Arendt reprend ce sens latin du terme dans un texte de 1958, Qu’est-ce que l’autorité ? L’autorité, au sens le plus pur du mot, n’est pas une chaîne de commandements, mais une croyance collective. Elle a des sources transcendantes, venues du passé : la tradition et la religion, qui gouvernent l’action commune sans même donner d’ordres. Elle a par conséquent disparu du champ politique et social des sociétés modernes, démocratiques, où les hommes sont censés obéir à des lois qu’ils se donnent eux-mêmes.

Les différents facteurs d’autorité que d’autres penseurs ont pris soin d’identifier n’en sont que de pâles copies.


Le sociologue Max Weber ajoutait à la tradition, dans Économie et Société (1923), la croyance en la rationalité des lois (autorité rationnelle légale), et celle découlant du charisme personnel déployé par des individus exemplaires. Le philosophe français Alexandre Kojève distingue dans La Notion de l’autorité (1942) l’autorité du parent, fondée sur l’antériorité et la dépendance, celle du juge ou arbitre, fondée sur l’équité de ses avis, et celle du chef, qui fixe des buts collectifs tournés vers l’avenir. Ces modalités ont beau produire des effets analogues, elles n’ont pas, à l’exception peut-être du parent, le caractère sacré de l’auctoritas originelle. Ce sont des simulacres.


Le point de vue des sociologues de l’école critique inaugurée par Max Horkheimer et Theodor Adorno est lui bien différent. Il part de l’idée qu’à l’origine, il y a eu violence et que l’obéissance découle d’une domination dont l’autorité est le masque. La faiblesse de celui qui la reconnaît la fait exister. Alexandre Kojève lui-même (même s’il n’appartient pas à cette école) cite parmi les types d’autorité celle du maître sur l’esclave, celle du vainqueur sur le vaincu. Quelles que soient les raisons qu’elle s’attribue, l’autorité, aussi légitime soit-elle, est une forme de domination. Elle est une entrave à la volonté et aux désirs de qui s’y conforme. Il n’y a pas lieu de distinguer radicalement la contrainte de l’autorité.


Du trop au pas assez

La décennie 1970 est restée célèbre pour avoir été celle de la contestation de toutes les formes d’autorité : celle de l’État (« Il est interdit d’interdire » , lisait-on sur les murs de Paris en Mai 68), des patrons (« Le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui »), des maîtres à penser (Louis Althusser), des parents (« Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent »), d’un sexe sur l’autre, de la majorité sur la (ou les) minorité(s).

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