En effet, la loi marocaine, qui interdit toute relation sexuelle hors mariage, pénalise triplement les femmes qui tombent enceintes soit à l’issue d’un viol (généralement non déclaré), de relations sexuelles consenties mais en dehors du mariage et l’impossibilité d’avorter dans des conditions sanitaires et hygiéniques saines.

C’est cet état de fait qui est ainsi mis à l’index par Amnesty, qui souligne qu’en mettant au ban de la société une tranche non négligeable de femmes marocaines suite à un acte sexuel ‘’criminalisé’’ par le droit, l’Etat marocain « manque à ses obligations de garantir des services de santé sexuelle et reproductive disponibles, accessibles, abordables, acceptables et de bonne qualité, notamment des services d’avortement, exposant ainsi les femmes et les filles à des situations dangereuses et bafouant leurs droits humains ».
D’aucun pourraient estimer que cette déclaration est disproportionnée et virerait à l’accusation désaxée du fait que nombre de pays, notamment américains et européens, interdisent l’avortement de manière générale, indépendamment que cela soit le fait de viol ou à la suite d’un rapport sexuel consenti. C’est le cas des USA, pour ne citer que le pays le plus ‘’démocratique’’ du monde, qui interdisent dans de nombreux Etats l’avortement. Nonobstant le bien-fondé ou non de ce rapport, ce qui rend la position du Maroc critiquable et, donc, fragile, c’est le rapport de la loi à la sexualité, en particulier, et aux droits des femmes en général dans l’Ordre juridique interne.
On le sait, le Code pénal marocain interdit formellement tout rapport sexuel hors mariage. Ce qui peut être considéré comme étant un non-sens à la limite, les relations de couple dans ce pays obéissant dans les faits à une logique universelle, la liberté. Or, le vécu social marocain est en contradiction flagrante avec le Droit, la vie moderne ayant pris le pas et de manière foncière sur la norme, d’où les appels persistants d’une grande partie de la société marocaine à une réforme globale et fondamentale de la loi en matière de statut personnel (Code de la famille) et de norme pénale, celle-ci étant complétement déphasée par rapport à la réalité sociale marocaine. Le droit à l’avortement et, par ricochet, à la liberté sexuelle sont les deux points focaux qui sont mis à l’avant dans ce rapport pour le moins très critique vis-à-vis des autorités marocaines et du législateur en général.
Amnesty international estime, par conséquent, dans ce rapport intitulé symboliquement « ‘’Ma vie est brisée’’, l’urgence de dépénaliser l’avortement au Maroc », que « la criminalisation de l’avortement, même pour les cas de grossesse résultant d’un viol, a des conséquences dévastatrices pour les femmes et les filles. Exposées au risque d’emprisonnement, de nombreuses femmes et filles sont forcées de recourir clandestinement à des méthodes dangereuses pour mettre un terme à leur grossesse. Celles qui n’y parviennent pas sont forcées à mener à terme leur grossesse, ce qui les expose à des risques de poursuites judiciaires au titre de lois érigeant en infraction les relations sexuelles en dehors du mariage, exacerbant ainsi l’exclusion sociale et la pauvreté, alors qu’elles subissent également les conséquences douloureuses des tentatives d’avortement ratées ».
Certes, consciente que le Maroc n’est pas une exception en matière de pénalisation de l’avortement comme souligné précédemment, l’ONG internationale pondère ses propos en affirmant qu’aucun « État ne doit dicter les décisions en matière de grossesse et priver les femmes et les filles des services de santé sexuelle et reproductive essentiels, y compris des services d’avortement, auxquels elles ont le droit au titre du droit international ». Ce qui n’empêche cependant pas Amnesty International d’enfoncer le clou contre le Maroc, en supposant que la pénalisation de l’avortement « (perpétue) un climat social forçant les femmes et les filles à poursuivre leur grossesse, quelles qu’en soient les conséquences, (en) favorisant la violence, la pauvreté et la discrimination systémique liée au genre ».
En tout état de cause, afin de ne plus prêter le flanc à ce genre de « réquisitoire » disproportionné au regard de la réalité mondiale et de l’état des femmes partout dans le monde, les pouvoirs publics marocains devraient profiter de l’opportunité du projet de réforme du Code de la Famille en perspective, pour remettre de l’ordre dans les priorités normatives d’un Etat qui tend à démocratiser sereinement les relations de la société à la loi de manière générale.
Il ne sert à rien, en effet, de discourir sur la volonté de l’Etat de garantir aux femmes les mêmes droits que l’homme si, par ailleurs, on laisse tout un pan sensible de cette relation à la merci d’une loi pénale sinon désuète, du moins en flagrant anachronisme avec la réalité sociale locale.
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