
L'épreuve de la norme
Justice constitutionnelle et réforme politique au Maroc

Le constitutionnaliste traditionnel essaie toujours de ne s’intéresser qu’aux éléments qui exercent une influencent directe sur le processus normatif, indépendamment des facteurs extra-juridiques qui pourraient venir ponctuer l’élaboration de la règle juridique mettant en relation les pouvoirs d’Etat.
Dans cette ignorance, méthodique il faut le dire, il est recherché le maximum de détachement et l’annihilation de l’influence du politique sur le tracé institutionnel régulant les différents pouvoirs. Or, il est évident que ce détachement occulte toute une trame de comportements qui, s’ils ne sont pas à la source de la règle juridique, n’en demeurent pas moins les instigateurs réels et les ‘’façonniers’’ impénitents de la cohabitation inégalitaire entre le politique, le juridique et les déterminants économiques de la structure sociale dans son ensemble.
Cette ingérence du politique, dans un terrain sensé être une réserve exclusive d’un pouvoir normatif indécrottable, exerce en fait une attirance irrésistible sur le conscient du constitutionnaliste. Ce qui se traduit par des envolées détournées et qui, sans s’attaquer de front à la pénétration du politique dans le cycle normatif, cherchent à l’appréhender dans une sémantique rébarbative : légitimation, délégitimation, usurpation, conflit de droit… Et, ce qui constitue pour le moins une dérision, cette distanciation quasi-hermétique entre le droit et le politique ne se comprend pas d’un point de vue politique pur.
Ne voulant pas intervenir dans le jeu de pouvoirs, et encore moins dans la lutte d’influence que se mènent les acteurs politiques, le constitutionnaliste de la périphérie occidentale harpente les étages sinueux de la rigueur juridique, pour ne pas être partie prenante dans les arcanes de redistribution des parcelles de pouvoir et du process de légitimation d’un pouvoir d’Etat soit usurpé, soit charpenté sur mesure.