Il fallait s’y attendre, et on s’y est bien mal préparé, le coup de téléphone de Donald Trump à Vladimir Poutine a sans doute mis fin à 75 ans de relations transatlantiques. Nous avions, nous Français, alerté depuis longtemps sur le fait que nos intérêts de sécurité avec les États-Unis n’étaient pas systématiquement convergents et que ces divergences pouvaient conduire à de graves différends.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Président D. Trump
Il y eut le canal de Suez en 1956, il y eut l’Irak en 2003, il y eut aussi toute proportion gardée le brain dead de Macron[1] sur un différend né de l’action de la Turquie en Syrie en 2021. Il y aura désormais le 12 février 2025. Mais aujourd’hui, la situation est plus grave car c’est bien la sécurité de l’Europe qui est en jeu, celle-là même qui constitue le cœur de l’existence de l’alliance atlantique.
On peut comprendre que la guerre en Ukraine ne soit pas gagnable et qu’il faille trouver une solution pour arrêter cette guerre. On peut comprendre que l’adhésion de l’Ukraine à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) constitue une ligne rouge pour la Russie. On peut également comprendre que les États-Unis souhaitent que les Européens prennent une part plus importante du fardeau de leur défense.
Le problème est cependant que les États-Unis ont fait inscrire l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN comme objectif de l’alliance atlantique lors du sommet de l’OTAN de Bucarest en 2008, contre l’avis de la France et de l’Allemagne à cette époque aggravant alors une relation avec la Russie qui se détériorait.
Le problème est également que Trump veut négocier cette paix entre l’Ukraine et la Russie sans inviter l’Union européenne et les autres Européens à la table des négociations alors que la sécurité de l’Europe est en jeu.
Le risque est aujourd’hui clair : une forme d’accord bilatéral entre les États-Unis et la Russie au bénéfice des intérêts de ces deux pays pourrait laisser l’Ukraine très affaiblie devenir une proie facile pour Moscou et affaiblir par voie de conséquence les autres pays européens. Pour tout lot de consolation, nous aurons à assurer la sécurité conventionnelle de l’Europe, comme le secrétaire d’État à la défense américain, Pete Hegseth, l’a annoncé aux Européens en ouverture de la réunion ministérielle de l’OTAN qui s’est tenue à Bruxelles les 12 et 13 février 2025.
Cette situation va ainsi mettre les
Européens face à un terrible dilemme :
Soit ils ne souhaitent pas donner de garantie de sécurité à l’Ukraine et ils se déconsidèrent totalement vis-à-vis des puissances que sont les États-Unis, la Russie et la Chine puisque les Européens auront signifié qu’ils ne sont pas en capacité de défendre le continent tout en faisant peser un risque non négligeable sur la sécurité de l’Europe sur le long terme ;
Soit ils donnent des garanties de sécurité à l’Ukraine, en acceptant le coût d’un fardeau financier qui affectera la compétitivité de l’Union européenne sur le long terme.
Face à cette situation, certains préconisent de constituer un pilier européen de l’OTAN. Cette solution apparait en réalité dépassée au regard de ce nouveau contexte. Si l’on considère que les États-Unis négocient la paix en Europe sans et contre les Européens et qu’ils ne veulent plus défendre l’Europe avec les moyens militaires conventionnels (respecteront-ils le Nato Defence Planning Process [2] ?), mieux vaut pour les Européens assumer pleinement la sécurité de l’Europe. Cela implique donc de prendre le contrôle de l’OTAN : il faut que les Européens discutent rapidement de cette option et fassent part de leur choix au secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte. Il sera par ailleurs plus aisé de faire travailler ensemble l’OTAN et l’Union européenne avec une OTAN européanisée.
Par Jean-Pierre Maulny I IRIS
Notes :
[1] Emmanuel Macron déclara le 7 novembre 2019 que l’OTAN était en état de mort cérébral dans une interview donnée à The Economist.
[2] Nato Defence Planning Process (NDPP) : le processus de planification des capacités militaires de l’OTAN
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